Vous êtes ici
Accueil > Expositions > Paul Pouvreau Variations saisonnières

Paul Pouvreau Variations saisonnières

Paul Pouvreau

Du 17 janvier au 28 février 2016, la Galerie municipale Jean-Collet à Vitry-sur-Seine présente une exposition personnelle inédite de Paul Pouvreau, intitulée Variations saisonnières. Des œuvres récentes et plus anciennes de l’artiste : dessins, photographies et installations, révèlent un travail oscillant entre description et fiction, et témoignent de son intérêt tout particulier porté à l’objet et à son contenant. Depuis quelques années, Paul Pouvreau s’attache en effet tout particulièrement à l’étude des formes variées des emballages et à leurs effigies, comme autant de signes visuels dialoguant avec notre espace quotidien. Ce « recyclage visuel » s’agence alors principalement dans ses espaces photographiques, au sein desquels, insidieusement, « les signes deviennent des choses tandis que les choses deviennent signes ».

Paul Pouvreau est né en 1956 à Aulnay-sous-Bois. Il vit et travaille à Paris et Argenton-sur-Creuse.

En 1981, il est diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Bourges (DNSEP-Art), et d’un DEUG d’histoire de l’art (Sorbonne Paris 1). Il commence à enseigner la photographie aux Beaux-Arts du Mans en 1986, jusqu’en 2010, et depuis à l’École Nationale Supérieure de photographie d’Arles. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions en France et à l’étranger, et fait partie de plusieurs collections publiques et privées.

Paul Pouvreau ne travaille pas sur quelque chose mais avec les choses et parmi elles. Ces choses sont donc principalement des objets et, depuis quelque temps, leurs emballages. Son geste artistique consiste, d’une certaine façon, à recycler, au moyen de différents médiums (dessin, photographie, installation, vidéo), l’omni-présence de ces formes et signes, dès lors qu’ils n’ont plus d’usage ou sont laissés à l’abandon. C’est à partir de cette proximité insignifiante des matières et objets dénués d’affect que son travail s’élabore. Comme il n’y a pas d’imaginaire préétabli, c’est dans l’espace de la bricole et du bricolage souvent précaire que se construisent des situations à la fois drôles et absurdes, graves et signifiantes.Paul Pouvreau

Les photographies ou représentations résultant de ces situations naviguent entre le vraisemblable et l’invrai-semblable. Un peu comme les deux faces d’une image. Son univers créatif pourrait ainsi être identifié à une scène de théâtre sur laquelle se jouerait simultanément, sous la forme d’une tragédie un peu risible, un prin-cipe d’accord et de désaccord entre la réalité de l’image et les fictions qu’elle « envisage » du réel.

Depuis 1982, la Galerie municipale Jean-Collet située sur deux niveaux dans des anciens bains-douches, est un lieu d’exposition d’art contemporain. Soutenir, promouvoir, diffuser les arts plastiques et les arts visuels, sensibiliser les publics à la création contemporaine : ce sont ces missions que se donne la galerie (prix annuel de peinture, expositions, visites commentées, conférences, médiation…). Parallèlement, la Galerie municipale Jean-Collet a en charge la gestion et la conservation de la collection «Novembre à Vitry», ainsi que sa diffusion.

Paul Pouvreau,

Au crépuscule de la marchandise

Paul Pouvreau Variations saisonnièresLes photographies des petits riens, sur lesquels parfois notre regard se pose, fixent comme le ferait un poème les signes discrets d’un monde habité. L’art de décrire les rencontres silencieuses est l’expression d’une disponibilité de l’esprit, et la méthode de déchiffrage de signes inédits. Pour filer la métaphore de l’écriture poétique, on pourrait dire que Paul Pouvreau versifie à partir du prosaïque.

L’une de ses opérations favorites consiste à traduire les images imprimées, les sigles et les marques, en une langue nouvelle. La particularité de sa méthode est de conserver le support de ces graphismes en tous genres – les sachets en plastique, les cartonnages et emballages divers – qui, par leur volumétrie, configurent un espace de représentation. L’œuvre présente ainsi, presque toujours, un contenant vide mais plein de sa surface ornée, immergé dans la représentation. Le creux bavard est mis au défi de bâtir un nouveau monde. Paul Pouvreau ne « prélève » pas, ne « cite » pas, ne « détourne » pas selon les grandes recettes des avantgardes. À bien observer ses photographies, on constate qu’elles s’organisent toujours autour de pans qui se relèvent, de motifs qui se retournent, de lignes qui se croisent pour rétablir un axe; ce que l’on peut y discerner semblent se déplier. Il s’agit en effet, pour nombre d’images, d’opérer un dépli. Le dépliage est l’art (au sens d’un savoir-faire) de remettre tout sur le même plan, une méthode d’égalisation – peut-être même égalitaire.

Cette méthode dynamique se retrouve projetée dans l’espace avec les images montrant les assemblages volumétriques d’emballages. Véritables architectones, ces constructions au caractère a priori dérisoire – tant ses modules se donnent pour ce qu’ils sont (de triviaux contenants) -, évoquent pourtant les maquettes de cités idéales. C’est que la notion de standard y est déjouée : alors même que chaque boîte est celle d’un produit de consommation, leur assemblage constitue la structure générale. Habituellement régie par la loi du stock, voilà les boîtes assignées à d’improbables édicules. Rien qui ne ressemble désormais à un rayonnage de supermarché ou au chaos d’une déchèterie. Dans le cycle de la marchandise, une disruption s’est produite.

La magie opère en raison de l’échelle et de la représentation. Une sorte d’idéalisation à partir des éléments du quelconque crée les conditions visuelles d’une fantasmagorie du banal : les ombres et la perte d’échelle que propose la prise de vue font passer l’assemblage du côté de l’image mentale. Le phénomène doit beaucoup aux jeux des proportions, cette monumentalisation de l’illégitime (l’opération moderne qui dérègle l’ordre de l’art), mais aussi au traitement monochrome – le plus souvent en noir et blanc ou bien en une atténuation singulière des partis-pris criards des couleurs utilisées pour les emballages. Désormais filtrés, livrés au clairobscur, les ornements pop deviennent des fétiches oubliés.

Paul Pouvreau est un artiste de la désuétude et du crépuscule mais sur un mode inédit. Peu d’images de produits de consommation ont jusqu’alors produit ce sentiment de passé, tout en restant des emblèmes du présent – si ce n’est, peut-être, la série séminale des produits d’Ed Ruscha (Product Still lifes, 1961); avec Paul Pouvreau les produits sont plongés dans un nocturne plus mélancolique et forment ces cités futuristes mais figées dans leur rêve compromis d’établir un monde nouveau. Jamais, mieux qu’ici, le matériau carton-pâte n’a produit son allégorie : l’éternité livrée aux intempéries. On pense alors à l’œuvre vidéo de l’artiste intitulée La Cabane (2004) qui montre la ruine progressive d’une construction de carton sous les assauts du climat. Mais l’au-delà du vétuste, c’est la métamorphose.

La fascination de l’artiste pour le cartonnage ou l’enveloppe l’amène à tenter l’expérience d’en faire le subjectile même de ses œuvres, et imprimer les photographies sur un support carton. L’encrage de l’image créée vient ainsi se substituer à celui des logos et des marques. Le processus d’inversion semble engagé. D’un côté, les travaux explorent le vertige d’une mise en abyme, où les motifs vernaculaires de la consommation se travestissent en propositions plastiques, et où l’on ne distingue plus la nature des choses. D’un autre côté, c’est la liberté d’une expansion des gestes artistiques où les murs accueillent non seulement de gigantesques images d’installations, mais encore des accrochages en superpositions de photographies, donnant à l’œuvre l’apparence d’un Merzbau. Paul Pouvreau travaille cette question de l’ordre des choses et des signes, ses œuvres parlent un dialecte encore inconnu.

Reconstruire un monde, à partir des « riens » (l’emballage, cette plèbe des objets), forme ainsi l’utopie d’une œuvre marquée par ce que l’on pourrait qualifier de grande opération esthétique et démocratique. Tel le chiffonnier de Walter Benjamin, l’artiste glane tout ce que le vernaculaire offre de trésors, ces boîtes et ces motifs que sont les logos et leurs « peintures idiotes » pour reprendre la fameuse expression que Rimbaud employait pour qualifier les enseignes. De ce que le monde oublie ou recycle dans la machine consumériste, Paul Pouvreau compose une langue bégayante pour parler un monde nouveau, fait de cités imaginaires, de projections défiants la géométrie euclidienne. C’est le dessin qui accomplit ce projet : le recours aux tracés en couleur, sur les supports de carton toujours, et qui viennent rejouer les objets.

Que le dessin produise une nouvelle fréquence dans l’œuvre est une évidence, mais il s’agit chez Paul Pouvreau, et en dépit de ce que le travail peut sembler avoir de « critique », il s’agit d’une forme ou d’un dispositif consonnant. Car le trait et le crayonnage unifient la surface, mais surtout produisent une égalité de traitement entre les objets représentés et le fond (la leçon de Cézanne ?); avec toujours ce qui est la grande originalité de ce travail : le volume interne de l’image. C’est-à-dire, concrètement, la boîte (polyèdre élémentaire) toujours présente avec sa surface ornée désormais par le dessin « à la main », et dont tout l’espace qui l’entoure semble être le dépli d’elle-même. Avec Paul Pouvreau, la sacro-sainte perspective est comprise comme un système vernaculaire : la configuration d’un espace pour Tous. Pour les moindres riens.

En dépliant la représentation la plus prosaïque, en rencontrant les surfaces planémétriques et volumétriques, Paul Pouvreau pose à sa manière l’une des grandes énigmes de l’époque : comment lier notre destin à la manufacture ? Si le produit fait par la main de l’ouvrier qualifie une forme d’artisanat, le terme induit aussi bien le caractère répétitif du geste que la standardisation de l’objet. La manufacture, projetée dans l’univers de Paul Pouvreau, conjoint ainsi les deux imaginaires du « faire ». Le dessin exemplifie cette facture manuelle, comme le retour d’une expérience intuitive et patiente dans un univers d’appropriation des produits de consommation. « Reprise en main », dira-t-on, où les illustrations des emballages deviennent représentations au style crayonné, revendiquant une certaine naïveté (au sens d’un art “naïf”), ou bien, parfois, un certain classicisme comme dans les paysages mais où, de façon obsédante, le polyèdre vient reconstruire un volume dans l’espace.

Que retient Paul Pouvreau de la marchandise – cette entité définie par sa valeur d’échange dont Marx soulignait le caractère mystérieux ? De la valeur, l’œuvre tout entière interroge le socle (palette de bois), le conte-nant (carton) et l’enveloppe (papier journal). Sinon, tout a disparu : comment bâtir un monde avec ces riens ? C’est la dimension becketienne de l’œuvre de l’artiste, une métaphysique rugueuse et sourde. À partir de laquelle un souffle toutefois surgit, et devient capable de reprojeter l’entière misère des substances en un nouveau rêve de grandeur, comme cette cité faite de paquets et d’emballages, juchée sur une colonne sans fins de palettes, éclairée de façon à ce qu’elle projette partout l’ombre d’un phare.

L’enchantement du trivial fut le projet pop, après quoi les artistes conceptuels firent des objets de consom-mation des fétiches livrés à nos manies (série, collection, classification…). Paul Pouvreau se détache de ces héritages, il aime construire dans le crépuscule de la marchandise, de nouveaux repères.

Michel Poivert – Texte issu du catalogue de l’exposition Variations saisonnières présentée à la Galerie municipale Jean-Collet

Informations pratiques

Exposition du 17 janvier au 28 février 2016

Du mardi au dimanche de 13h30 à 18h

Le mercredi de 10h à 12h et de 13h30 à 18h

Entrée libre

Vernissage le samedi 16 janvier à 18h

Visite de presse le vendredi 15 janvier à 10h

 

Galerie municipale Jean-Collet

59, avenue Guy-Môquet

94400 Vitry-sur-Seine

Tél. : 01 43 91 15 33

galerie.vitry94.fr

galerie.municipale@mairie-vitry94.fr

 

Direction

Catherine Viollet, conseillère aux arts plastiques et commissaire de l’exposition

 

Accès transports en commun

RER C Gare de Vitry-sur-Seine, puis bus 180 (arrêt Église de Vitry)

Métro 7 Villejuif-L. Aragon, puis bus 180 (arrêt Église de Vitry)

Mairie d’Ivry, puis bus 132 (arrêt Église de Vitry)

Porte de Choisy, puis bus 183 (arrêt Hôtel de Ville)

Métro 8 Liberté, puis bus 180 (arrêt Église de Vitry)

Laisser un commentaire

Top